Une Voix à soi

Quand elle déraille, nous manque ou trahit nos émotions, la voix déstabilise et nous rend vulnérables. C’est aussi le cas lorsqu’elle devient tout à coup inaudible, face à d’autres voix plus écoutées ou mieux entendues. C’est peut-être pourquoi les femmes sont si souvent fragilisées quand leur parole passe inaperçue, que leur voix irrite ou n’est pas prise au sérieux.

C’est ce que semblent confirmer les plans de formation des entreprises qui enjoignent aux femmes à poser leur voix, oser s’exprimer, faire preuve de leadership, ou combattre le syndrome de l’impostrice. Or la voix des femmes a beau s’aggraver depuis les années 50, gagner en assertivité et en autorité, s’adapter aux exigences du marché du travail, s’exercer aux arènes publiques de l’éloquence et y gagner sa légitimité, il semble toujours lui manquer quelque chose.

On peut ainsi à tout moment lui reprocher ses aigus, son agressivité, sa fragilité ou son émotivité… et faire passer son autrice pour folle, inadéquate ou manipulatrice, en un mot insupportable. Les femmes le savent bien qui apprennent très jeunes que la crédibilité d’une voix de femme passe par le contrôle de sa durée (« Quelle bavarde ! »), de sa hauteur (« quelle hystérique ! ») et de sa puissance (« Quelle agressivité ! »).

Et si tout ça n’était qu’une question d’oreille ?

Car dans bien des domaines, les voix de femmes arrivent, comme le dit Sandrine Rousseau, telle « une espèce invasive, à l’intérieur d’un écosystème de voix d’hommes qui ronronnait jusque-là dans son équilibre tranquille »…

Aujourd’hui encore, les stéréotypes auditifs semblent s’imposer aux voix des femmes et conditionner l’écoute que nous en avons. Il est urgent de les démasquer pour entendre enfin ce que les femmes ont à nous dire. Et pour que leur voix en soient libérées…